Uni(e)s contre une immigration jetable : Déclaration commune
Nous, organisations réunies ce jour du mars 2007, faisons la déclaration suivante et en appelons à une autre politique d’immigration, fondée sur le respect des droits fondamentaux et l’égalité de traitement entre Français et étrangers.
Nous tenons à affirmer haut et fort, et avant toute autre considération, que l’immigration n’est ni un « problème », ni une menace pour l’identité nationale et à dénoncer l’utilisation politicienne de ce fait de société.
La présente déclaration repose sur la lutte des sans-papiers et de leurs organisations, l’expertise des associations présentes sur le terrain aux côtés de ces populations, leurs connaissances des politiques menées depuis de nombreuses années et les valeurs humaines que, tous ensemble, nous entendons promouvoir et porter dans la société française.
Pour une autre politique d’immigration
Les politiques conduites depuis de nombreuses années, tant à l’échelle nationale qu’au niveau européen, fondées sur le principe de la fermeture des frontières méconnaissent les droits des étrangers (liberté d’aller et venir, droit à mener une vie familiale normale, respect de la vie privée, droit d’asile, dignité des personnes et notamment s’agissant de l’accueil des étudiants étrangers…) et entravent leur exercice. Les organisations aspirent donc à un changement de paradigme et revendiquent à terme la liberté de circulation et d’établissement pour les étrangers, en s’inspirant des principes qui gouvernent la libre circulation des citoyens de l’Union européenne.
Les organisations dénoncent toute politique (nationale et européenne), qui, tout en renforçant les contrôles des frontières, sous une forme de plus en plus militarisée, qui plus est imposée à des Etats tiers, pratique « l’immigration utile ». Celle-ci consiste à reconnaître des possibilités d’installation négociées en fonction des intérêts des pays de l’Union européenne, et conséquemment à s’inscrire dans le refus de respecter les droits, les souhaits et les besoins des populations du Sud. La loi Sarkozy du 24 juillet 2006, qui entend promouvoir « l’immigration choisie » et mettre un terme à « l’immigration subie », est la caricature de ce type de politique. Nous en demandons l’abrogation.
Seule la liberté de circulation peut rompre avec la logique meurtrière et répressive qui vient frapper les étrangers ici sur le sol français, et là-bas dans les pays de transit et plus largement sur les routes migratoires vers l’Europe. Les exilés morts sur le chemin, qui les conduit – croyaient-ils – vers la sécurité et l’espoir d’une vie meilleure, ne se comptent plus.
Cette liberté de circulation doit s’accompagner d’une liberté d’établissement qui garantisse les droits sociaux de tous.
Lorsque les personnes parviennent malgré tous les obstacles à entrer en France (ou dans un autre pays de l’Union), les promoteurs de l’utilitarisme migratoire savent se servir de leur clandestinité au profit de secteurs d’activité qui s’empressent de les employer. Les « sans papiers » alimentent des pans entiers d’une économie fondée sur des impératifs de flexibilité et d’abaissement des coûts ; ils sont à la merci des employeurs et des services de police. Aussi il ne peut y avoir de liberté de circulation, sans liberté d’établissement afin d’éradiquer cette course au « moins disant social » et empêcher une mise en concurrence entre salariés : il faut donc placer tous les travailleurs sur un pied d’égalité en accordant aux étrangers le droit à une installation durable, seule garante de l’égalité des droits sociaux avec les nationaux et les ressortissants communautaires.
Nous, organisations signataires, réclamons que les étrangers présents sur le territoire de l’Union européenne bénéficient d’un statut aligné sur celui reconnu aux résidents communautaires. Nous soutenons le combat de tous qui, en Europe, luttent pour que cette revendication juste, légitime et éthique soit intégralement appliquée au sein de toute l’Union.
Dans l’immédiat
Nous sommes conscients que la mise en œuvre de cette autre politique d’immigration doit se déployer dans le cadre de l’Union européenne ; nous exigeons néanmoins l’adoption par la France de mesures à prendre d’urgence qui, pour certaines d’entre elles, ne nécessitent pas l’intervention du législateur :
– la régularisation de tous les sans papiers présents sur le territoire national par la délivrance d’une carte de résident et la suspension des reconduites à la frontière ;
– la fin des rafles de sans papiers et des contrôles d’identité discriminatoires, contraires à la loi et aux pratiques éthiques ;
– la disparition des statuts précaires imposés aux personnes ayant vocation à vivre durablement en France par la délivrance d’une carte de résident dans l’esprit de la loi du 17 juillet 1984 ;
– l’abrogation réelle de la « double peine » ;
– l’égalité entre Français et étrangers face aux droits sociaux (notamment la CMU pour tous) et économiques ;
– le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et européennes ;
– la reconnaissance du droit du sol intégral dans l’attribution de la nationalité française ;
– la remise en liberté des sans papiers emprisonnés pour séjour irrégulier et refus d’embarquement et la dépénalisation du séjour irrégulier ;
– la ratification par la France de la convention internationale des Nations-Unies sur les droits des migrants ;
– le droit à une procédure équitable s’agissant de l’examen des demandes d’asile et la mise en place d’une vraie politique d’accueil des exilés.
S’agissant des rapports Nord-Sud, nous demandons :
– que toute négociation Nord-Sud repose sur le principe de l’égalité des interlocuteurs et que les dirigeants du Sud, qui ont si peu défendu les intérêts de leurs populations, assument pleinement leurs responsabilités ;
– la suppression des conditions imposées aux pays du Sud dans les négociations internationales (aide publique au développement, co-développement…), et tout particulièrement celle de la sous-traitance de la lutte contre les migrations et la pression faite sur les consulats pour délivrer des laisser-passer en vue d’éloigner des sans papiers ;
– la remise en cause de l’aide publique au développement dans ses attributions actuelles (financement de la répression aux frontières, renforcement des dictatures – voir l’exemple récent de la Guinée Conakry) ;
– l’annulation inconditionnelle de la dette.
Liste des organisations signataires :
– UNEF
– Les Verts
– union syndicale de la psychiatrie
– les Alternatifs
– FSU
– MRAP
– PCF
– CGT
– syndicat de la magistrature
– Gisti
– ATMF
– LCR
– SUD éducation
– ALIF (CSP 11ième ; CSP 12ième ; CSP 18ième ; CSP 19ième ; CSP Montreuil ; CSP 77 en lutte ; CSP 92)
– Collectif solidarité sans papiers 93
– coordination 93 pour la lutte des sans papiers
– Droits devants !!
– Act up ;
– AEOM
– Ras l’Front
– Alternative citoyenne Ile de France
– COLCREA
– initiatives et actions citoyennes pour la démocratie et le développement
– ACORT
– PCOF
– MPE
– FTCR
– Coordination des Groupes de Femmes Egalité
– RACORD
– ASTTU
– Union syndicale solidaire ;
– IACD
– COPAF
– Union des anarchistes
– Revue les nouvelles Libertaires
– CADTM – France
– Femmes de la terre
– FASTI
– Collectif de soutien des exilés du 10ième
– Autremonde
– 3ième collectif
– DIDF
– Association le monde des cultures DAMBE
– regroupement des travailleurs sénégalais en France